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‘Les images coup de poing d’Anu Pennanen’ par Lolita Jablonskiene
Anu Pennanen est une artiste multimédia engagée, qui se sert comme d’un instrument politique des images qu’elle produit. Son engagement social peut être mesuré à l’aune de la collaboration qu’elle entretient avec les sujets qui peuplent ses photos et ses vidéos – centrées de manière critique sur « la ville ». Son œuvre vise à dépeindre, avec la coopération des habitants des cités où elle travaille, les caractéristiques psychogéographiques des lieux sur lesquels elle pointe sa caméra. Pennanen est constamment à la recherche de scénarios susceptibles d’exprimer des aspects sociopolitiques différents, et propres à un lieu, de l’expérience urbaine contemporaine. La spécificité de chaque site est immédiatement perçue par le spectateur, car chaque œuvre en capte comme par enchantement les marqueurs visuels distinctifs (en association avec ses modalités sonores et avec l’élan narratif du travail de l’artiste).
Pennanen découpe la ville en facettes et en fractales, représentatives de son impénétrabilité et de la tendance à la réduire à la surface extérieure de ses bâtiments – à ses façades les plus publiques. Ces dernières se trouvent déconstruites en textures visuelles, déconcertantes pour l’œil, où la lumière et les reflets jouent sur l’architecture. La matérialité et le pouvoir symbolique du bâti se fondent dans la logique visuelle et les très gros plans de l’artiste, ce qui rend difficile, pour le spectateur, de développer une relation rationnelle et émotionnelle avec la ville imaginée. Cette fusion reflète l’entropie des infrastructures urbaines – rendue comme un mouvement, aussi déroutant que beau, vers le chaos.
La vidéo A Day in the Office (« Une journée au bureau », 2006), réalisée pour la biennale de Liverpool, a été projetée de nuit sur un immeuble de bureaux, insérant ainsi la vision de Pennanen de la ville en cours de démolition et de reconstruction dans le flot et le brouhaha de son référent urbain. Les rituels que l’on peut observer dans les locaux commerciaux apparaissent figés et solennels au regard du chaos extérieur. Et la bande-son des interviews des employés de bureau se noie dans le tintamarre des rues de la ville.
Les trois écrans de l’installation Friendship (« Amitié », 2004-2006) juxtaposent des espaces publics de la capitale estonienne relevant de morphologies spatiotemporelles distinctes : un monument soviétique et un centre commercial. Sur chacun des sites, les jeunes que montre le film semblent aliénés, autour du monument par son architecture monolithique et sa volonté d’éternité, et dans le centre commercial par son vertigineux tohu-bohu et sa myriade de choix consuméristes qui leur dénient toute individualité. Dans leur quête de communication, et d’appartenance, les jeunes développent des rituels urbains idiomatiques et cherchent à résister à la logique hiératique de chacun de ces espaces en utilisant le monument et ses abords comme piste de skateboard, ou le toit du centre commercial pour faire des virées dans des chariots de supermarché – toutes tentatives essentiellement inaptes à résoudre le problème plus vaste de l’aliénation spatiotemporelle.
L’œuvre d’Anu Pennanen réifie dans une certaine mesure cet affect. L’artiste produit des images cinématiquement hypnotiques, des atopies visuelles qui évoquent l’imperméabilité de la matrice urbaine – et mettent le spectateur en garde contre l’altérité de l’habitat ambivalent des villes. Ses images rendent coup pour coup.
Lolita Jablonskiene, conservateur en chef au Musée national des Beaux-Arts de Lituanie.
Texte publié pour l’exposition personnelle ‘ Territoires Humains.’ Institutut Finlandais, Paris 2008.